Quand j'ai faim moi j'mange...

Auteur : Import Process

Au-delà des clichés présentant les hommes comme des gloutons, que savons-nous de la relation qu'ils entretiennent avec la nourriture?

Rendez-vous à 19 h dans une succursale de la Cage aux Sports. Soirée glaciale de février, que les «boys» n'allaient pas tarder à chauffer. Au programme: bières froides, grillades de boeuf, frites, popcorn, ailes de poulet, fous rires et taquineries, sans oublier les inévitables propos parfois troublants sur la présence du féminin dans le quotidien. Ça va être bon...

Manger avec les «chums» est un rituel dont l'essence ne réside pas tant dans la fréquence que dans la périodicité. Un peu bêtement, mais avec un plaisir toujours renouvelé, nous répétons nos vieilles anecdotes, où la surprise ne vient plus du dénouement mais de la manière de raconter. Peu importe le sujet - sports, travail, amours - ces réunions font une place d'honneur à la nourriture. Entre gars, on ne parle guère d'aliments, encore moins de nutriments: on parle de bouffe. Élément central des petites et des grandes occasions, la bouffe a aussi son aspect viril. Se réunit-on pour manger ou mange-t-on pour se réunir? Les hommes et la bouffe, ou plutôt la relation que nous entretenons avec elle, ça intrigue et ça déroute.

 

Nourris par les femmes?

En Amérique du Nord, les femmes sont responsables, dans plus de 75 % des cas, des achats alimentaires du foyer. À moins de vivre seul, la majorité des hommes, après l'âge de 25 ans, sont nourris par des femmes, pour le meilleur bien plus souvent que pour le pire. Et, pour bien des raisons, les femmes sont beaucoup plus sensibles à la nutrition et à la santé en général. Selon une étude pancanadienne réalisée en 2004 par l'Institut national de la nutrition, 74 % des femmes accordent de l'importance à la nutrition, contre 57 % des hommes. Elles prennent plus de soin à sélectionner les aliments et sont plus réceptives aux discours et aux principes relatifs à la saine alimentation, que ce soit à la maison ou au travail. Bien que les hommes adorent manger (je n'en connais aucun qui prétende le contraire), ils s'affichent rarement comme des connaisseurs en la matière. Du moins, à la maison.

 

Manger entre hommes: territoire de liberté

Les hommes entretiennent une relation secrète, voire adultérine avec la bouffe. Oui, oui! Bien que nous souscrivions à l'hygiène alimentaire à la maison, entre amis, à la Cage aux Sports ou ailleurs, notre laxisme frôle vite la délinquance. Entre hommes, le goût de la ripaille reprend le dessus. Combien d'entre nous s'abandonnent à midi au plaisir coupable de la poutine sans en piper mot une fois à la maison? En pleine connaissance des principes qui régissent le bien manger, nous traversons avec empressement la clôture de l'équilibre pour flirter avec le côté obscur de la bouffe. C'est que, comme le dit si bien La Compagnie Créole, «c'est bon pour le moral»! 

Certains diront, sous le couvert de l'anonymat, que c'est une forme d'expression de leur liberté que de manger ce qui leur chante. Sans renier le protocole alimentaire, ils lui font une entorse tout à fait acceptable, du moins dans leur livre à eux. Messieurs, serions-nous névrosés sur le plan alimentaire? Pas nécessairement. Une autre étude, réalisée en 2005 par la firme CROP en partenariat avec l'agence Enzyme inc. (que je dirige), signalait qu'au tournant de la trentaine, dans une proportion presque semblable à celle des femmes, les hommes canadiens se considéraient «sensibles à très sensibles», à l'«ingrédience». Ce concept se définit par l'importance accrue que le consommateur accorde à l'origine, à la qualité et à la transformation des ingrédients qui composent son alimentation. En clair, les gars ne s'intéressent pas qu'à la bouffe: ils s'intéressent aussi à ce qu'ils mangent! La différence réside dans leur rapport à la nourriture.

 

Les hommes mangent mal: mythe ou réalité?

La croyance populaire veut que les hommes mangent n'importe quoi et que leur intérêt pour l'alimentation se résume à «se bourrer la face» sans égard à la qualité ou à la valeur nutritive des aliments. Il est vrai qu'une partie de la population canadienne ne démontre aucun intérêt pour l'alimentation - et se nourrit en conséquence. Cette fraction de la population, qui oscille autour de 20 %, comporte bon nombre d'hommes. Cependant, de plus en plus de gars, pour des raisons personnelles, constatent la nécessité de conjuguer bien manger, convivialité et santé globale. Féminisation des habitudes alimentaires ou crainte de la dégénérescence du corps? Quoi qu'il en soit, les hommes aspirent de plus en plus à mieux manger.

 

À la recherche de plaisir et de goût

Au départ, les hommes recherchent le plaisir dans les aliments. Le fun food et le finger food connaissent d'ailleurs beaucoup de succès auprès des représentants du «sexe fort», exactement comme chez les enfants! Pour eux, la santé se traduit par la sélection de produits de qualité, et des gâteries consommées avec une certaine forme de modération.  

L'activité physique, pratiquée pour le paraître autant que pour la performance, fait de nouveaux adeptes au tournant de la trentaine. Phénomène récent, plusieurs mâles sillonnent désormais les allées des épiceries en compagnie de leur tendre moitié. Les hommes et les femmes apprendraient-ils à communier dans le plaisir de se nourrir? Ciment des relations humaines, la nourriture donne aussi du piquant à la vie. Et ça, les gars l'ont bien compris.

En terminant, chevaliers de la Table ronde, méditez un peu là-dessus:

Les 10 commandements de table de Blaise-Savarin

  1. Du plaisir tu auras
  2. Boissons alcoolisées de qualité tu exigeras, avec modération les dégusteras
  3. De dépasser la satiété, tu t'abstiendras
  4. Des légumes au BBQ tu grilleras, pour que d'avantage de légumes, tu mangeras
  5. L'achat de produits locaux, tu privilégieras
  6. Le sel, tu «slackeras»
  7.  Des céréales de grains entiers, tu choisiras 
  8. À manger plus lentement, tu veilleras
  9. Tes aliments, tu varieras
  10. Parler la bouche pleine, tu éviteras!

 

Sources

Tracking Nutrition Trends, Institut National de la nutrition (Canadian Council for food and nutrition), 2004.

 

Moniteur alimentaire, Crop, 2005

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